2024年4月17日发(作者:波音747客机坠毁事件)
LES ÉTOILES.
Récit d’un berger provençal
Alphonse Daudet
Du temps que je gardais les bêtes sur le Luberon, je restais des semaines
entières sans voir âme qui vive, seul dans le pâturage avec mon chien Labri et mes
ouailles. De temps en temps l’ermite du Mont-de-l’Ure passait par là pour
chercher des simples ou bien j’apercevais la face noire de quelque charbonnier
du Piémont ; mais c’étaient des gens naïfs, silencieux à force de solitude, ayant
perdu le goût de parler et ne sachant rien de ce qui se disait en bas dans les
villages et les villes. Aussi, tous les quinze jours, lorsque j’entendais, sur le qui
monte, les sonnailles du mulet de notre ferme m’apportant les provisions de
quinzaine, et que je voyais apparaître peu à peu, au-dessus de la côte, la tête
éveillée du petit miarro (garçon de ferme), ou la coiffe rousse de la vieille tante
Norade, j’étais vraiment bien heureux. Je me faisais raconter les nouvelles du
pays d’en bas, les baptêmes, les mariages ; mais ce qui m’intéressait surtout,
c’était de savoir ce que devenait la fille de mes maîtres, notre demoiselle
Stéphanette, la plus jolie qu’il y eût à dix lieues à la ronde. Sans avoir l’air d’y
prendre trop d’intérêt, je m’informais si elle allait beaucoup aux fêtes, aux
veillées, s’il lui venait toujours de nouveaux galants ; et à ceux qui me
demanderont ce que ces choses-là pouvaient me faire, à moi pauvre berger de la
montagne, je répondrai, que j’avais vingt ans et que cette Stéphanette était ce
que j’avais vu de plus beau dans ma vie.
Or, un dimanche que j’attendais les vivres de quinzaine, il se trouva qu’ils
n’arrivèrent que très tard. Le matin je me disais : « C’est la faute de la
grand’messe ; » puis, vers midi, il vint un gros orage, et je pensai que la mule
n’avait pas pu se mettre en route à cause du mauvais état des chemins. Enfin, sur
les trois heures, le ciel étant lavé, la montagne luisante d’eau et de soleil,
j’entendis parmi l’égouttement des feuilles et le débordement des ruisseaux
gonflés les sonnailles de la mule, aussi gaies, aussi alertes qu’un grand carillon de
cloches un jour de Pâques. Mais ce n’était pas le petit miarro, ni la vieille Norade
qui la conduisait. C’était… devinez qui !… notre demoiselle ; mes enfants ! notre
demoiselle en personne, assise droite entre les sacs d’osier, toute rose de l’air
des montagnes et du rafraîchissement de l’orage.
Le petit était malade, tante Norade en vacances chez ses enfants. La belle
Stéphanette m’apprit tout ça, en descendant de sa mule, et aussi qu’elle arrivait
tard parce qu’elle s’était perdue en route ; mais à la voir si bien endimanchée,
avec son ruban à fleurs, sa jupe brillante et ses dentelles, elle avait plutôt l’air de
s’être attardée à quelque danse que d’avoir cherché son chemin dans les
buissons. Ô la mignonne créature ! Mes yeux ne pouvaient se lasser de la regarder.
Il est vrai que je ne l’avais jamais vue de si près. Quelquefois l’hiver, quand les
troupeaux étaient descendus dans la plaine et que je rentrais le soir à la ferme
pour souper, elle traversait la salle vivement, sans guère parler aux serviteurs,
toujours parée et un peu fière… Et maintenant je l’avais là devant moi, rien que
pour moi ; n’était-ce pas à en perdre la tête ?
Quand elle eut tiré les provisions du panier, Stéphanette se mit à regarder
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